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vendredi 6 janvier 2012

Air France et la danse

Ce n'est pas un scoop : depuis quelques années, la danse est à la mode. Les ballerines Repetto battent le pavé, les ballets du Bolchoï sont retransmis en direct dans les cinémas UGC, on voit des silhouettes de ballerines se multiplier...pas seulement dans la rue, mais sur le papier, les écrans, tous les supports.




La publicité s'est emparée elle aussi du monde du ballet. Certes, ce n'est pas totalement nouveau. Des danseurs/euses étoiles ont souvent prêté leur image, à un produit, plus ou moins en rapport avec leur domaine professionnel . Pourquoi-pas ? Il n'est pas désagréable, pour un amateur de danse, de voir son "étoile" préféré(e) sur le papier glacé d'un magazine. Après tout, cela change des mannequins et des acteurs...

Mais un pas vient, selon moi, d'être franchi avec la toute nouvelle publicité d'Air France : "l'Envol", qui présente un véritable petit moment de danse. Le duo est absolument magnifique. La musique de Mozart (l'adagio du Concerto pour piano n° 23) est sublime. Vraiment.



En fait, il s'agit depuis assez longtemps d'un de mes passages chorégraphiques préférés. Car ce morceau a bien été "emprunté" à une œuvre : Le Parc, créé en 1994 par Angelin Preljocaj pour le ballet de l'Opéra de Paris. Une pièce intéressante, conçue sur des morceaux de Mozart comme une succession de petits tableaux censés illustrer une Carte du Tendre façon XVIIè  et XVIIIè siècles.




La reprise publicitaire de l'extrait est réussie, c'est incontestable. Le morceau choisi cadre bien avec la thématique "aérienne", et puis, c'est joli, ce reflet dans l'eau, ce bleu et blanc azur...C'est assez "ballet romantique", finalement, ce qui n'est pas pour me déplaire.

Alors, où est le problème ?
On peut comme, Benjamin Millepied,  l'interprète masculin de cette publicité, estimer que " tout ce qui rapproche la danse du grand public [est] positif" (Le Monde daté du 16 décembre 2011). C'est vrai : vive la danse ! Si elle peut être partout, pourquoi pas ? Si des gens peuvent découvrir Preljocaj a travers une pub Air France, après tout, c'est bien.

J'aimerais me réjouir, mais...je ne sais pas pourquoi, j'éprouve comme un malaise. Pas seulement quand je pense à l'argent qui a dû être mis sur la table,  après tout, l'argent, c'est le nerf de l'art...
En tant que spectatrice assidue de danse, j'éprouve comme une trahison, à voir un extrait de ballet repris tel quel dans une publicité. Peut-être est-ce une réaction d'égoïste qui veut garder pour elle "ses" trésors. Une réaction offensée de puriste qui ne sait pas vivre avec son temps.

Si la publicité peut, parfois, être élevée au rend d'art, alors, qu'y a-t-il de mauvais à utiliser l'art dans la publicité ? 

Mais dans la vidéo d'Air France, je me dis que c'est la pub qui envahit la danse et non l'inverse.Ce spot ne donne pas envie d'en savoir plus. Il n'y a pas de clin d'oeil au monde de la danse. La danse y est juste utilisée pour installer une ambiance, créer une atmosphère.  Une publicité montrant La Joconde nous ferait penser :" tiens, c'est la Joconde". Rien de tel ici. Une publicité montrant par exemple des danseurs prendre leur envol, dans une chorégraphie spécialement réalisée pour l'occasion,  pourrait quant-à elle être un hommage, une allusion à l'univers chorégraphique.

Je ne veux pas faire ma vieille balletomane aigrie, mais ce pas de deux, je l'avais découvert en 2000, à l'occasion d'un reportage de France 2 réalisé à l'Opéra de Paris, où avait été filmée sa répétition avec ses interprètes d'alors, Aurélie Dupont et Laurent Hilaire. C'est sans conteste un "moment de grâce", qui m'avait décidée à aller voir l'œuvre dans son entier, à l'opéra, lors d'une de ses reprises. Ce passage, je l'avais attendu, espéré. C'était un petit bijou au sein d'une création.

Maintenant, c'est un très beau spot Air France.

Peut-être que tout simplement, les œuvres d'art doivent rester des œuvres d'art ?

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