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vendredi 13 janvier 2012

Ballets blancs et actes blancs romantiques et classiques : essai de définition

Le terme d'"acte blanc "est employé par les historiens de la danse et les chorégraphes pour désigner des passages précis des ballets romantiques et classiques. Mais, paradoxalement, alors que la notion paraît pointue, elle désigne ce qu’il y a de plus universellement connu dans la danse, si bien qu’il se confond avec l’image d’Épinal de la danse et de la danseuse. Il suffit ainsi d’évoquer les actes blancs du célèbre Lac des cygnes, pour mettre une image sur une expression un peu abstraite.

La première caractéristique que l’on peut en effet donner de l’acte blanc est élémentaire : « l’acte blanc », ou les « actes blancs »,  désignent les parties du ballet ou les protagonistes présents sur scène sont habillés de blanc. Pour préciser, on peut ajouter que ces protagonistes sont généralement deux solistes et un nombre assez important de danseuses du « corps de ballet » qui composent le chœur.   

En deuxième lieu, il faut insister sur le fait que l’acte blanc est intégré dans la trame d’un ballet narratif, il n’est qu’un passage d’une œuvre. Il est même souvent en opposition avec les autres actes que l’on peut qualifier de « colorés » .
Voilà donc les deux traits essentiels, évidents, de l’acte blanc.

En vérité, les choses sont un tout petit peu plus complexes : comme l’acte blanc donne souvent son véritable cachet au ballet, on a souvent étendu l’expression à l’ensemble de l’œuvre, qualifiée de « ballet blanc », formule qui désigne, de manière un peu schématique sans doute, le ballet romantique.
On peut  émettre trois objections à cette dénomination :
-l’ère romantique en danse n’a pas produit que des ballets blancs. L’expression fait donc passer à côté d’une réalité riche et diverse.
- comme le souligne Serge Lifar ,  elle ne rend pas compte de la structure binaire de l’œuvre, pourtant fondamentale.
- la couleur elle-même est contestée. Ainsi, on peut lire dans un dictionnaire de la danse :

“Ballet blanc: This term is applied to any ballet performed in the traditionnal long white skirt said to have been invented by Lami for Taglioni in « La Sylphide » (... ) and is generally synonimous with the idea of ballet held by the personn who has little experience of ballet. (It is held by some authorities that Lami ’s skirt was in fact blue in colour) ”.

Reprécisons en effet que le ballet ou acte blanc s’apparente, historiquement à l’époque précise du ballet romantique. La définition ci-dessus fait procéder essentiellement  le terme du  costume. C’est un élément indéniable, mais on peut ajouter que le ballet romantique se distingue par un vocabulaire chorégraphique et des postures, des attitudes  repérables et reconnaissables.

 L’acte blanc, dans les ballets romantiques et classiques, a sa tonalité propre que l’on peut qualifier de lyrique, voire élégiaque, évanescente, onirique.Ce dernier fait est à mettre en relation avec la place et le statut particuliers qu’il occupe dans l’œuvre : il est conçu pour nous faire douter de sa réalité, à l’intérieur d’une œuvre .
Enfin,  par sa structure, l’acte blanc est le lieu d’un travail chorégraphique spécifique sur l’uniformité du groupe, et se différencie de cette manière des ballets ou actes colorés, plus propres à mettre en valeur des variations de solistes divers ou des danses de caractère, folkloriques ou nationales. L’acte blanc renoue avec la poétique antique du chœur tragique, et présente en même temps de la danse une vision quasiment plastique.
Ainsi, dans l'histoire plus récente de la danse classique, des "actes blanc"s ont pu être présentés des œuvres à part entière : certains chorégraphes postérieurs au romantisme  les ont détachés de leur contexte narratif pour en faire des ballet courts : il s’agit dans ce cas d’un « acte blanc » devenu « ballet blanc »… L’exemple le plus célèbre en est sans doute Les Sylphides de Fokine, hommage à La Sylphide, le premier ballet romantique de 1832. On peut également citer Suite en blanc, ballet académique de Serge Lifar, monté en  1943.  Sérénade de Balanchine et son atmosphère bleutée  constitue également un très bel hommage au « ballet blanc ».


L’"acte blanc" apparaît donc comme une notion regroupant une série de critères nécessaires, mais non suffisants un à un.  Cette diversité de critères à associer permet d’envisager une définition à plusieurs degrés, du plus strict au plus ouvert.
La définition la plus contextuelle et la plus retreinte ne s’appliquerait ainsi qu’aux ballets blancs de l’époque romantique française : La Sylphide et Giselle.
En deuxième lieu, on constate que certains ballets de l’époque classique russe suivent la même construction. Parmi eux, Le Lac des cygnes et La Bayadère sont les plus évidents. Mais les scènes de vision ou de songe, présentes dans la plupart des ballets de cette époque (Don Quichotte, La Belle au bois dormant, Casse-noisette), s’apparentent également à des actes blancs.
Ensuite viennent les hommages au romantisme par des chorégraphes néo-classiques évoqués. Il manque alors  la dimension temporelle, celle d’ « acte »blanc.
Enfin, on trouve dans quantité d’œuvres chorégraphiques, classiques et contemporaines, ce qui semble être, de façon plus ou moins visible ou revendiquée, une permanence ou des résurgences de l’acte blanc.

Au terme de « ballet blanc », daté et contextuel, prélevé du champ de l’historiographie de la danse,  on peut dès lors  préférer celui d’ "acte blanc", et partir ainsi du terme technique pour l'étendre à un concept, plus large et plus souple,qui permet d'appréhender diverses réalités chorégraphiques et culturelles.

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